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Une vision humaine de la science 

Dans le bureau de Nathalie Rouach qui jouxte son laboratoire, les piles de livres scientifiques et de dossiers côtoient un canapé rouge vif qui attire immédiatement l’attention. Ce choix n’est pas anodin, « ce canapé rouge, c’est un peu l’âme de cet espace. Un endroit accueillant qui change tout dans la façon dont on interagit », explique-t-elle. Pour la chercheuse, le lieu de travail est bien plus qu’un cadre fonctionnel, c’est un environnement qui favorise l’échange et la créativité.

La pannexine : d’une découverte fondamentale à l’application concrète

En explorant les connexines, une famille de protéines essentielles aux processus physiologiques, l’équipe de Nathalie Rouach a révélé une avancée révolutionnaire concernant une famille apparentée, les pannexines, présentes dans les cellules neuronales et gliales. « Les pannexines sont des canaux ioniques cruciaux pour la transmission des messages nerveux, qui, en conditions normales, sont peu actifs », précise-t-elle. « Mais dans les tissus épileptiques, leur forte activation libère des molécules comme l’ATP, qui, en suractivant les réseaux neuronaux, est responsable de la genèse et maintenance des crises. »

Cette découverte marque une avancée décisive en épileptologie, née pourtant de recherches fondamentales. Ce n’est que lorsque Nathalie Rouach, accompagnée de ses collègues Elena Dossi, Julien Moulard et Gilles Huberfeld, soumettent leur premier article au Journal of Translational Medicine que l'idée d’applications concrètes émerge. « Nous nous concentrions sur la compréhension des mécanismes fondamentaux, mais les relecteurs nous ont incités à explorer les applications possibles. C’est alors que nous avons compris que nos travaux pouvaient ouvrir la voie à des traitements. »

Le potentiel thérapeutique des pannexines les a conduits à déposer un brevet auprès du service valorisation de l’²ÝÁñÂÛ̳. « PSL nous a apporté un soutien crucial, que ce soit pour formaliser nos idées, déposer le brevet ou rencontrer des experts en valorisation. Ce soutien a été déterminant pour envisager les pannexines comme cibles thérapeutiques », témoigne Nathalie Rouach. 

PannTheraPi: une start-up qui fait le lien entre science et industrie

Cependant, pour transformer cette découverte en médicament, il fallait aller au-delà des capacités d’un laboratoire académique. « Les industriels exigent des données précliniques très détaillées, que nous ne pouvions produire seuls. Une start-up était indispensable pour combler ce fossé entre la recherche fondamentale et l’industrie, » explique Nathalie Rouach.
Ainsi est née PannTheraPi, une entreprise qu’elle a cofondée avec Luc-André Granier, médecin et entrepreneur expérimenté, Elsa Brillaud, neuroscientifique spécialisée en biotechnologies et Gilles Huberfeld, neurologue et neuroscientifique, spécialisé en épileptologie. « Luc-André avait déjà développé plusieurs médicaments. Il a apporté son expérience et son réseau pour recruter les bonnes personnes, structurer le projet et lever les fonds nécessaires. »

PannTheraPi se concentre sur le développement de traitements ciblant les pannexines pour des maladies neurologiques complexes, en particulier les épilepsies résistantes. « Ces pathologies, souvent invalidantes, manquent de solutions efficaces et bien tolérées », souligne-t-elle. « Notre objectif est de développer des médicaments qui s’attaquent à la cause profonde des crises tout en minimisant les effets secondaires ».
Mais l’ambition de la start-up va au-delà de l’épilepsie. « Les pannexines jouent également un rôle dans les processus inflammatoires, qui sont communs à de nombreuses pathologies. Cela ouvre des perspectives pour des applications dans d’autres domaines », ajoute Nathalie Rouach.
Pour elle, les start-up sont un maillon essentiel de la chaîne de l’innovation. « Elles permettent de faire le lien entre la recherche fondamentale et l’industrie tout en maintenant les chercheurs impliqués dans le développement. Cela garantit que la vision scientifique du projet reste intacte, tout en apportant la crédibilité nécessaire aux industriels. »

Pour Nathalie Rouach, la science est avant tout une aventure humaine, portée par l’enthousiasme et la force du collectif. « Tout repose sur les bonnes personnes : leur expertise, leur énergie et l’effervescence qu’elles apportent façonnent une dynamique d’équipe où l’innovation naît naturellement. » Convaincue que la transmission et la collaboration sont les moteurs du progrès, elle souhaite poursuivre ses recherches tout en ouvrant de nouvelles voies scientifiques.